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les Vosges

 

Contribution de y.gross, "Pic noir et brâme", 20 Sep 2003

Doux été de septembre dans les Hautes-Vosges...

Je m'insère dans la montagne comme une mousse croît. Silencieux, je me penche vers les procédés du vieillissement immense qui, lentement, s'accroche aux branches des hêtres d'altitude...

En cette fin d'après-midi, je vais voir si rien ne manque aux forêts. C' est un plaisir de marcher car je connais le sentier qui va du Treh à Ranspach et puis prêter attention aux détails : ici, un jeune cerf a labouré furieusement les pointes de ses dagues dans le sol boueux d'une souille, là une toile d'araignée scintille et je vois en son milieu un Carabe vivre ses dernières heures, suspendu entre ciel et terre.

Le couchant transperce les bleus de plus en plus profonds d'une gloire de rayons et fait d'un Grand Corbeau crépusculaire l'oiseau argenté de la nuit, lorsqu'il s'envole dans l'ombre de la montagne.
Grandes taches orange pâle sur les pentes boisées. Le Pic noir lance son «klieuu» primitif... Sans être certain qu'il ne s'agisse pas de la Fouine, je crois bien que la forme descendue d'un trait de l'épicéa qui me fait face pourrait être une Martre ; elle bondit sur les feuilles sèches et poursuit peut-être l' Ecureuil vu quelques minutes plus tôt.

Il est 20 heures passées et le premier brâme roule au-dessus des vallons ; le raire a commencé, en une sorte de murmure bref et profond.
Je suis à présent immobile ; dans la pénombre des fourrés, comme des fantômes, un groupe de formes pâles semble assurer la cohésion du monde. Cinq biches se tiennent étroitement serrées les unes contre les autres, tandis qu'un dix-cors fait cercle autour d'elles, brâmant sa multiple prise de possession...
Lien magique avec l'équinoxe prochaine. Une des biches flaire ma présence car son cou s'incurve élégamment, ses yeux se dilatent, ses oreilles se dressent dans une sorte d'attention détendue puis se dirige droit vers le promontoire rocheux où je suis allongé, si proche que je veille à abaisser très progressivement mes jumelles ; j'enfonce le menton dans la maigre végétation...
La femelle de tête disparaît, puis émerge à nouveau de la forêt à moins de vingt mètres plus bas. Soudain elle se retourne vivement, et considère la silhouette intruse . Elle reste sur place, les yeux écarquillés. Dans sa tension, les poils fauves de ses pattes antérieures frémissent.
Et puis le 10 cors se rapproche d'elle ; lui aussi hume mon fumet. D'un bond, il fait volte-face dans ma direction, émet un grognement sourd et puissant. Il s'avance hardiment, baisse son chef dardé de pointes pour mieux me dévisager ; entend-il le tambourinement audible de mon pouls ? Vers Ranspach éclate le raire triomphal d'un autre Cerf, beuglement primitif ; cela suffit à détourner l'attention du maître de harem, qui s'engage sur l'étroite sente qui plonge vers le vallon.
Dans leur nervosité certaines bêtes font semblant de brouter, le grand mâle lance un coup de dent vers la croupe d'une jeune biche, arrachant une touffe de poils qui brillent au soleil.
Sans hâte, ils s'éloignent, contournant à présent la pente en direction de l'est. Bientôt, les têtes de deux femelles réapparaissent, comme si elles voulaient s'assurer que rien ne les suit. Et puis ils disparaissent tous.

Je reste encore longtemps allongé, immobile au coeur du silence, exultant comme un enfant. Me parvient le murmure du petit torrent très loin en contrebas : il semble impossible que je puisse l'entendre. Même en l'absence de vent, le bruit de l'eau va et vient, s'élève et se réduit, comme le vent lui-même.

Les astres nocturnes ont subitement percé le ciel et Mars brille à l'orient. Il est l'heure de se glisser dans le sac de couchage. Quand je pense que certains se contentent d'un 4 ou 5 étoiles...!
yves

"La forêt tout entière était devenue gigantesque ramure, chaque arbre est un torse, une encolure hérissée de poils fauves, un souffle de passion dans le miroitement ambré des reflets lunaires" (H.ULLRICH)

 

Contribution de Pierre-Yves Bodart, "le coq de la chapelle du Rudlin est un...g rand tétras", 26 Apr 2003

Petit bilan sans prétention d'une semaine familiale d'oxygéno-thérapie entre Lorraine et Alsace, entre le samedi de Paques et hier, 25 avril.

Pendant le trajet aller, mes premiers martinets 2003 dessus la Moselle; entre Metz et Nancy...
Première étape de trois jours de week-end pascal, dans le Parc naturel régional des Ballons des Vosges...
Comité d'accueil sur le Rudlin, proximité étang des Dames, formé d'un couple de bergeronettes grises émergant d'une prairie couverte de milliers de jonquilles...Rando de mise en jambes dans la forêt des Hospices de Nancy, avec intérêt particulier de mes enfants pour des pontes de batraciens, tétards compris...dans quelques flaques de chemins creux.

Notons au passage que le coq de la chapelle du Rudlin est un...grand tétras;-x

Pendant l'après-midi, de retour du Lac de Gérardmer, intéressant pour le pédalo (ou le bateau sans permis pour les moins courageux) mais pas pour l'ornitho, rencontre furtive avec trois grives litornes à proximité d'un petit troupeau de vaches...Highland.

Logement à Le Valtin, à la bien nommée auberge du Val Joli.
Présence immanquable du rougequeue noir et de nombreuses mésanges.

L'aube du Dimanche Pascal permet de constater sans surprise la présence du merle d'eau (cincle) sur la Meurthe en aval du verrou glaciaire, et nicheur probable sous la grange posée à cheval de la dite-rivière.

Tentative avortée sur le Sentier des Roches, col de la Schlucht..les rigueurs hivernales ayant fortement altéré les premiers aménagements façon "via ferrata"... Néanmoins avant de devoir prudemment rebrousser chemin, rencontre avec sittelles et mésanges noires, ainsi que trois furtifs chevreuils dans la pente plutot...raide.

Reconversion d'itinéraire vers une portion plus classique du GR5, direction le Hohneck. Croisement en sous-bois d'une volée-posée de pinsons dont au moins trois sont du Nord. Encore mésanges et sittelles.
Depuis le belvédère , observation furtive de deux individus mouchetés façon cassenoix, en transit au sommet d'un arbre mort.
Résidus neigeux dans les pentes du Hohneck...
Après un bref parcours automobile sur la route des Crètes, ambiance scandinave au très bel étang de la tourbière de Machey, avec querelle de troglodytes mais aussi un superbe bien que lointain individu de merle à plastron.

Pique-nique de midi au soleil, proximité rivière où la construction de barrages par les enfants bat son plein.
Détour également par le beau lac de Lisbach, avec observation de moultes batraciens.
En fin d'aprème-midi, entendu en amont du Sentier des panoramas, à le Valtin mon premier coucou 2003.

Lundi de Paques sur une autre portion du GR5, sur la crête entre la superbe réserve du Gazon du Faing et le Lac Blanc.
Double passage en voltige du grand corbeau et belles observations d'au moins une douzaine de venturons montagnards. Ces derniers sont particulièrement coopératifs avec nous et permettent de jolies miroises sous toutes les coutures.
Certains chemins envisagés restent difficillement praticables en raisons de restes de neige.

Reste de la journée sans observation majeure, ni autour du Lac Noir ni dans le Val d'Orbey.
Petite incursion alsacienne (mais malheureusement trempée d'un orage) sur le village de Kaysersberg.

Mardi matin nous voit repasser le Col de la Schlucht pour une deuxième étape dans les vignobles alsaciens.
Notre route croise celle d'une cigogne qui remonte la vallée de Munster avec des matériaux pour le nid.

Rien de plus transcendant au niveau ornitho si ce n'est une halte pédagogique au centre de réintroduction des cigognes à Hunawhir avec observation du repas des premiers cigogneaux 2003, nés la veille. Egalement le mercredi une intéressante et ensoleillée journée à l'Ecomusée d'Alsace.

Le jeudi, après un incontournable détour par le chateau du Haut-Koenigsbourg, remontée vers le nord, avec une brève mais agréable escapade à la cascade du Nideck...
Dernière nuitée à Saverne...

Vendredi matin, incursion dans le Parc Naturel des Vosges du Nord...avec oiseaux forestiers classiques (vu du grosbec, du bouvreuil mais je retiens surtout deux belles miroises de grimpereau et sittelle)et omniprésence des geais pendant la promenade au départ des maisons troglodytes de Graufthal.

Après un bref détour par la Petite-Pierre, pause à l' étang du Donnenbach avec l'invité surprise du jour en la personne d'un chevalier culblanc...
Poursuite du trajet agrémenté ici et là de passage de buses, souvent par deux...et d'une pompe de cinq milans noirs du coté de Mittersheim.

Passage sur le retour vers la Belgique par le célèbre étang de Lindre, Parc Naturel de Lorraine...
Comme il fait pas loin des 25°, la cigogne de Tarquimpol étend ses ailes pour faire parasol à ses trois rejetons...

Rien vu de spécial sur l'étang hors des embryons de parades de grèbes huppés et malheureusement manqué de temps pour entreprendre quelque recherche de gobemouche à collier en forêt de Rommersberg ou de St-Jean.

Famille Bodart, Bruxelles.

 

Contribution de Yves Gross, "Hautes-Vosges", 26 Mar 2003

Début de printemps dans les Hautes-Vosges
Passé le col d'Oderen, prendre la direction de la ferme du Felsach. Laisser la voiture au croisement du Chemin de la Roche du Renard et du chemin des Vintergès. Dans les zones ombragées, la neige est encore là, à 1000 mètres ; aucune voiture ne peut emprunter la route forestière, encombrée de congères... Tant mieux, autant passer par celle-ci pour atteindre la Chaume des Vintergès et profiter de la solitude pour écouter, humer, voir... Pas d'empreintes humaines mais celles, nettes, de 2 Biches qui ont suivi - ce matin ? - le même chemin que moi. Elles se perdent ensuite sur les parties vierges de neige, mais ruisselantes de toutes les eaux venues de la montagne.

Il est 17 h, la chaume, sous le soleil qui décline, est ocre en son grand milieu, blanche aux lisières des sapins, hautains et silencieux. Un peu de vent, et ils oscillent du chef comme le font les vieux. Ils dessinent sur le ciel des graphismes compliqués, des traits de plume sombres et vigoureux. Sous leur écorce, les années se sont entassées, les sèches et les pluvieuses, les années tranquilles et les années de guerre. Ils continuent sans bruit leur montée vers les cieux, tirant un trait d'union entre le ciel et la terre.

Sur le sommet de l'un d'eux, large croissant blanc sur la poitrine, un Merle à plastron mâle chante sans éclat, sommairement.
Un second mâle s'applique davantage, introduit des notes fortes et flûtées dans son répertoire, qui "fait songer à une Grive musicienne peu douée" (Géroudet). Strophes primitives, dans ce décor austère, d'un oiseau relique des périodes glaciaires.

Sur les plaques humides de la chaume, je revois le Turdidé qui tente d'extirper des lombrics de l'herbe découverte, en compagnie de 2 Rougequeues noirs femelles, plus avides d'insectes. Surgissent deux Grives draines décidées à chasser le Merle de ce bout de territoire. Elles sont nettement plus grosses que lui et c'est à coup de sautillements, de marches rapides sur lui qu'elles finissent par le faire fuir vers la forêt proche. Ces Grives là ne semblent pas apprécier la compagnie d'autres espèces...
Sur le vieux hêtre qui trône à 50 mètres de la lisière, un Grosbec, solitaire, assiste à la scène.
Les ombres commencent à se lever, on entend encore les cris durs et roulés des Grives, et le silence se fait, progressivement.

 

Contribution de Yves Gross, "Tétras cacochyme", 28 Nov 2002

Oui, la situation du Grand Coq dans nos montagnes hexagonales suscite des questions, des interrogations, des commentaires.....
Concernant les tétras (que j'embrasse au passage), J'ai senti du mépris (peu être à tort!) alors je me suis emporté, je m'excuse!
Ne t'en excuse pas, Nicolas, j'aime les gens qui s'emportent ! Mais si j'ai pu employer un ton désabusé, certes - multitude de combats désespérés - il n'était sûrement pas méprisant, je ne me le permettrais pas !

Il faut dire que dans les Vosges (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle), le problème est très épineux : de 500 coqs recensés en 1939 (enquête ONF), ils n'étaient plus que 240 environ en 1975 puis une soixantaine aujourd'hui !! alors que la chasse au Coq est fermée depuis 1969 ! Donc, les raisons de sa raréfaction sont à rechercher ailleurs, et notamment, croyez bien que je le regrette, auprès des chasseurs- photographes, Olivier en a très bien parlé dans son dernier mail.

Les coqs de bruyère ne sont probablement pas matures avant l'âge de trois ans, mais chantent dès leur deuxième printemps ; ce sont alors précisément ces oiseaux qui chantent le plus longtemps, le plus tôt, qui sont la cible des 400 mm et des jumelles. Ainsi les mâles matures auront-ils, du fait même de leur comportement, statistiquement plus de chance d'être dérangés, de quitter - et pour le restant de la matinée - la place de chant, en la laissant aux immatures assurant par là l'abandon des traditions et de la hiérarchie des coqs. En bien des endroits du massif vosgien, les chasseurs ont su respecter la tranquillité des tétras ; il n'en est pas de même pour quelques (je dis bien quelques) photographes ! Rares sont ceux en effet qui acceptent de venir vers 16-17h, rester en lisière de la place de chant, s'enterrer dans la neige ou se couvrir de toiles de camouflage en restant immobiles toute la nuit durant, ne quasiment pas bouger le matin et rester sur place au moins jusqu'à 9 heures, de préférence 11 h du matin. Ce n'est pourtant que sous ces conditions que l'affamé de nature aura eu la chance, peut-être, d'avoir vu parader le tétras en pleine lumière et éprouvera alors le sentiment serein d'avoir laissé derrière lui une nature intacte.Personnellement, j'ai décidé de ne plus aller du tout sur les places de chant, me contentant d'essayer de trouver quelques indices de présence, Baltz terminée...

Bien entendu, la pression touristique, l'exploitation forestière en zones et/ou périodes sensibles, l'ouverture de routes forestières en pleine Réserve biologique, le braconnage, l'impact des populations de Cervidés sur les zones de myrtilliers sont d'autres causes du dépérissement dramatique du Tétras dans nos forêts .

 

Contribution de Yves Gross, "Tétras cacochyme", 27 Nov 2002

Un qui ne risque rien des conséquences du naufrage du "Prestige", mais qui souffre en silence depuis bon nombre d'années, le Grand Tétras voit ses effectifs fondre dans le Massif Vosgien ; pour ceux que ça intéresse, voir le site du GTV :

http://groupetetrasvosges.free.fr

J'en arrive même à n'en plus trop vouloir aux photographes qui s'intéressent un peu trop à cet animal prestigieux alors qu'ils n'ont peut-être pas tiré le portrait d'un moineau !

 

contribution de "thierry.besancon" <thierry.besancon@wanadoo.fr>, "Migration par delà les cols vosgiens...", 26 mars 1999

Bonjour à tous,   Quelques nouvelles de la migation de printemps. Aujourd'hui, une petite ballade au col du Plafond (ça ne s'invente pas !!!) dans les Vosges m'a permis de contacter en 2 heures d'observations :

- Grand Cormoran  : 11 ind
- Cigogne noire : 1 ind
- Buse variable : 18 ind
- Milan noir : 12 ind
- Milan royal : 4 id
- Balbuzard pêcheur : 2 ind
- Epervier d'Europe : 3 ind
- Autour des palombes : 2 ind
- Busard des roseaux : 1 ind
- Busard Saint-Martin : 1 ind
- Pigeon ramier : nbx
- Hirondelle rustique : 3ind
- Bergeronnette grise : qques unes
- Pipit farlouse : nbx
- Pinson des arbres et du nord : environ 400 ind
- Limotte mélodieuse : qques unes
- Bruant jaune et des roseaux : qques uns
- Tarin des aulnes : une dizaine

Le temps était quelque peu couvert avec de belles éclaircies (15°C).

Hier soir, j'ai été prospecté la Chevêche dans la plaine des Vosges. Pour vous donner une idée de la raréfaction de l'espèce, je n'ai contacté qu'un seul chanteur pour 9 communes prospectées. Pourtant c'est une région où les vergers traditionnels et les vieilles batisses sont encore bien présents... Qu'en est-il dans les autres régions de la moitié nord du pays cette année ? Bonnes obs à tous Thierry Besançon, LPO Lorraine.

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