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Alsace

 

Contribution de Yves Gross, "Dans quelle langue parle-t-on à ses passions ?", 9 Jun 2003

Petite Camargue Alsacienne, ce matin.

6h30 : dans le Grand Marais, au ras des hampes serrées de la roselière, deux adultes de Busard des roseaux sont en exploration, ailes bien relevées, et guettent une proie éventuelle d'un vol nonchalant. C'est un nouveau matin bleu, tout scintillant de rosée ; l'esprit flotte et l'oeil s'élargit pour mieux cueillir la vie, pour entrevoir la vibration scintillante d'une Libellule, le petit incendie de saphirs et de rubis perché sur une branche de saule courbée, occupé à scruter de ses yeux rouge foncé tout ce qui bouge sous la paisible nappe liquide, le bref ondoiement du pelage de la belette, luisant dans sa fuite rousse...toutes ces splendeurs qui rôdent et dont je suis à l'affût.

7h : un héron cendré attend son heure, épie sa victime. Ce qu'il a pour nous de bizarre et d'inquiétant dans l'expression, d'ombrageux dans le caractère, de raideur anguleuse dans l'allure, il le doit à son métier et à sa conformation de harponneur. La dure fixité des yeux rappelle le regard "froid" de ses proies. Ils s'exorbitent à présent légèrement, l'échassier "vise", sans doute apprécie-t-il la distance et peut-être même calcule-t-il l'effet de la réfraction, le ressort puissant du cou projette le double poignard acéré du bec vers l'eau, sans succès. Il faudra être patient, encore...

7h15 : milouins, grèbes huppés, foulques, cygnes, colverts vivent en harmonie ; je me demande à quel point une concurrence peut les opposer, comment ils se tolèrent entre eux... C'est que tous ont des goûts, sinon des moyens différents ; chacun a sa spécialité et ils ne se gênent pas. Les ressources à leur disposition sont utilisées au mieux - nous devrions prendre exemple sur eux.

7h20 : en face, de l'autre côté du Marais, un oiseau de la taille d'un Geai passe à faible hauteur au-dessus de l'eau, ses ailes arrondies battent rapidement et sans bruit ; cou replié, le Butor blongios mâle est à la recherche d'un secteur de pêche tranquille. Il se pose hors de ma vue dans sa forêt aquatique.

7h45 : dans l' enchevêtrement des tiges sèches, on peut suivre les évolutions de la Rousserolle effarvate d'après le tremblement des roseaux - tchra tchratchra, trectrec , litanie connue. Plus fantaisiste, le chant de la Verderolle propose une série d'imitations, de la Mésange charbonnière au rire du Pic vert en passant par le miaulement de la Buse ! Une occupation de "célibataires", en cette période où les adultes "responsables" s'occupent vaillamment de leur progéniture et n'ont guère l'esprit à la gaudriole !

7h50 : un autre son s'élève de la roselière bordée de saules, d'aulnes et d'autres arbres. Etouffés, monotones et lentement répétés, à intervalles réguliers de 2 secondes, ce sont comme des coassements de grenouille - ouorr..ouorr...ouorr : le Blongios de tout-à-l'heure est là, tout près, peut-être 25 mètres...

8h : c'est l'heure qu'ont choisi 2 Coucous pour faire un passage (très) rapide devant l'observatoire : ailes pointues, battements pressés, longue queue, une brève planée vers les Robiniers et puis ce sera tout pour ce matin. Deux notes connues retentissent, cri répétitif reconnaissable entre tous. répétition d'un mantra ? Puissance d'une forme litanique ? Appel d'un muezzin invitant à la prière ? Le chant du coucou apparaît étrange en raison de son caractère incisif. Humour d'un esprit facétieux ? "Je me cache. En dépit de mon cri qui me situe, tu n'arrives pas à me voir. Je pourrais te distraire par mon ramage - il n'en est pas question. Concentre-toi plutôt sur tout ce qui t'entoure. Le plaisir simple est un oiseau."

8h30 : il fait au moins 25° déjà ; les premiers promeneurs en short et casquettes me rappellent bruyamment que l'heure magique est passé. Parfois, la tolérance a ses jours non ouvrables. Je fuis, la nostalgie - celle qui porte les dentelles des instants les plus tendres - me gagne ; il y a 20 ans, lorsque la toute première réserve naturelle d'Alsace fut créée ici, rares encore étaient ceux qui arpentaient régulièrement ce refuge; la plus grande roselière du Haut-Rhin ne livrait ses secrets qu'à quelques "initiés"... Je sais, je n'ai pas le droit de regretter ces temps là, il fallait bien répondre aux agressions qui risquaient de rayer de la carte ce vestige des splendeurs sauvages passées, il fallait bien ouvrir ces lieux "au public" et décider d'une "gestion" de ce "capital" naturel, je sais bien... Mais dans quelle langue parle-t-on à ses passions

 

Contribution de Yves Gross, "Chevêche d'Athena", 6 Apr 2003

J'ai eu connaissance de chouettes chevêches, effraies et récemment étourneaux, tombés dans un conduit de cheminée.
Personnellement, j'ai mis un grillage à grosses mailles sur mes cheminées. Je vous signale aussi plusieurs noyades de chevêches et de moyen ducs dans des abreuvoirs (vieux bidons et autres ustensiles de fortune) dans les champs. NB Dans mon secteur la chevêche a disparu.
Autrefois commune, je n'en ai pas vu depuis une dizaine d'années.

Je confirme également le danger que représentent les abreuvoirs, où il arrive souvent que de jeunes chouettes chevêche se noient, n'ayant pas d'appui pour sortir du piège. Avec l'accord des propriétaires, il m'est arrivé de poser une simple planche en travers de l'abreuvoir (lorsqu'il s'agit par exemple d'une vieille baignoire...) ou de caler un bout de bois où l'oiseau peut s'agripper...
Tu nous signales que l'oiseau d'Athena a disparu de ta région depuis une dizaine d'années . Mais où se situe-t-elle dans l'hexagone ?
Ici, en Alsace, l'espèce était encore commune dans les années 80 (entre 1500 et 2000 couples) ; aujourd'hui, elle a quasiment disparu abattage des arbres creux, retournement des prairies, disparition des vergers, pesticides qui déciment les gros insectes, etc... la litanie est longue), mais une action tri-nationale, initiée au Kaiserstuhl (en Allemagne toute proche), prolongée dans le canton de Bâle en Suisse puis ici en Alsace "du sud" (France!) est en train de porter ses fruits. L'installation dans des lieux favorables de nombreux nichoirs type cylindre, financés en partie par le Conseil Général, semble stabiliser la population restante ; chez nos voisins d'Outre-Rhin, le nombre de nicheurs grimpe d'année en année (mais cela fait 15 ans qu'ils ont débuté leur action) et nous espérons attirer par ici les jeunes issus du noyau du Kaiserstuhl à la recherche d'un secteur favorable pour nicher. Mais c'est un travail de longue haleine, tandis que vergers et haies se réduisent à peau de chagrin....

 

Contribution de Yves Gross, "Mirador", 15 Mar 2003

En forêt de plaine, ce matin, je respire au rythme du vent, je marche humblement ; tout-à-l'heure, l'oiseau entraperçu s'est envolé, sans que je l'identifie . Pouillot véloce ? Accenteur ? Il a suffi que je tourne la tête pour l'effrayer.
Alors, j'essaie de me faire plus silencieux encore, plus petit ; je me cache, un peu, afin de laisser à l'oiseau une place pour exister.

Car de la place, il n'en a plus beaucoup. A ma droite, une coupe rase où le soleil persiste à raviver les couleurs, malgré tout ;
l'impression que les ombres demeurent, quand les arbres sont coupés...

A ma gauche, un mirador et les hideux fûts en plastique, bleu pétrole, qui vomissent leur trop-plein de maïs.
Et là, en ce lieu, le Pic épeiche tambourine joyeusement sur les barreaux déjà bien entamés de l'échelle qui mène au poste de guet - de tir. Le marteleur y va de son labeur opiniâtre. Il entaille, il creuse, il entame le bois des barreaux comme un ciseau. Entre la 4ème et la 5ème marche, il trouve une pièce métallique qui soude les barreaux à ses montants. A présent, ce n'est plus le martèlement irrégulier qui ausculte les troncs, mais une intense vibration sonore qui doit avoir une portée de plusieurs dizaines de mètres ! Aïe, mes tympans ! Quand je pense que je voulais oublier ici les trépidations humaines ! Il s'escrime, avec un rythme de percussion qui lui est propre . Un véritable roulement de tambour métallique. Tam-tam dantesque ! Ce signal acoustique là, c'est certain, se fait entendre , pourrait couvrir le bruit d'une tronçonneuse !

A nouveau, la tête rejetée en arrière, le corps cambré, il grimpe encore, jusqu'à la dernière marche et minutieusement, reprend sa besogne, son travail acharné, car il a le don précieux de se servir de tout. Un cri sec et vigoureux - "ptik" - et d'un vol direct, il rejoint la sylve plus profonde.

Vous l'avouerais-je ? J'imagine en souriant le tueur du dimanche, demain, forcément lourd et adipeux, encombré de son arme, sentir la 4ème marche céder et s'affaler maladroitement parmi ses fûts bleus, en poussant un retentissant "V'r dàmmi"! Et l'oiseau noir et blanc et rouge de lancer un aigu et vigoureux "kikikikiki" d'excitation !

Il y a des rêves qui exigent le port du casque !

 

Contribution de Yves Gross, "Vous avez dit Busard ?", 1 Mar 2003

Depuis plus d'une semaine à présent, plusieurs Busards Saint-Martin ont choisi d'établir leurs quartiers de fin d'hivernage dans les collines sundgauviennes, Alsace du Sud. Hautes de 300 mètres plus ou moins, elles sont, en certains endroits reliques, la mémoire vivante d'anciennes pratiques agricoles collectives, où des cultures différentes étaient pratiquées, souvent en alternance, exigeant ainsi la discipline de tous, les biens répartis entre ces divisions du territoire, pour que chaque famille dispose tous les ans des différentes productions (blé, seigle, épeautre, avoine, orge et jachères pour le bétail). Ces paysages aux masses de couleurs simplifiées, souvent stigmatisés comme des traits d'archaïsme agraire, je les ai fait miens, tout comme ce village, aux portes du géant mulhousien, qui montre encore à travers sa ceinture de vergers et d'enclos potagers les gros dos des granges tournées vers la plaine.

C'est donc parmi les hommes qui en ce moment taillent les fruitiers et les arpents morcellés de vigne, que, sans se lasser, mais sans hâte, minutieux et opiniâtres, comme les gens d'ici, un couple de Busards Saint-Martin rôde à faible hauteur entre prairies de fauche, pâtures, haies vives, champs de labour, explorant le terrain dans ses moindres recoins, prêts à s'abattre sur une proie. Sveltes et légers, ils glissent au ras des herbes, pareils à des ombres silencieuses...

Aucun paysan que je rencontre et avec lequel je devise sur les affaires du ban ne les a remarqués ! Alors que tout-à-l'heure, tandis que Mr Munsch brûlait les branches de ses pommiers, coupées avec parcimonie et selon des critères précis, afin que l'arbre "respire", me dit-il, d'ailleurs il fait partie de la Société d'Arboriculture du village d'à côté, j'ai bien vu d'un oeil le mâle, à 50 mètres, zigzaguer, hésiter, tournoyer, s'arrêter sur une taupinière, le temps que Mr Munsch m'explique qu'il s'agit là d'arbres à tiges moyennes, pas hautes, et il repart dans sa quête méthodique, implacable malgré son apparente nonchalance... Je montre à l'arboriculteur cet oiseau : ah, c'est donc cela, à Büssard ou à Wej, que nos voisins allemands, toujours plus imagés dans leur vocabulaire, appelent "Kornweihe", ou Milan des graines (Korn, le grain de blé), pour sa propension à survoler les champs cultivés.

Mr Munsch pensait qu'il s'agissait d'une mouette, oui, finalement, il l'avait bien entraperçu ces derniers temps, puisqu'avec ce beau soleil, il est là tous les jours... Il me préviendra donc s'il le revoit tantôt...
La morale de l'histoire ? Si beaucoup de rapaces ont la patience d'attendre, les Busards ont ,eux, celle de la recherche.....

Et lorsqu'on fait comme eux, à arpenter ces paysages pourtant connus, au rythme des jours, lentement remontent en nous, du tréfonds de nos mémoires engourdies, les vieilles règles ; l'ouïe comme la vues'affinent à chaque pas circonspect, à chaque fois que patiemment on s'arrête. Et peu à peu, où rien d'abord ne paraissait, se met à palpiter l'abondance de vie.

Ce qui m'a été donné de voir ce jour :

Les habitués du lieu, Mésanges, Rougegorges, Accenteur mouchet, Troglo, etc... Ah, 1 Grive musicienne, mais silencieuse...

 

Contribution de Yves Gross, "Tante Aline", 2 Feb 2003

Au Groenland, l'année et l'hiver sont un seul et même mot. Ici, dans le Sundgau alsacien, j'ai attendu la neige avec impatience, et je la contemple à présent avec un émerveillement primitif doublé d'une certitude intuitive d'assister à quelque rite sacré. Les alchimistes, jadis, ont cru découvrir dans la couleur blanche, synthèse de toutes les teintes, l'"Ame du monde" ; la mythologie donne parfois comme origine de la neige, la lune, les étoiles ou encore quelque déesse secouant son lit de plumes...

Ce matin, j'ai quitté le mien pour aller réapprovisionner la mangeoire en lisière de forêt ; trois petits kilomètres entre la maison, la ceinture de vergers, les prés de fauche, les talus, les chemins creux, les haies vives et la sylve.
Pas à pas les souvenirs remontent. La neige qui tombe rappelle la neige tombée... C'était le temps où la neige était plus blanche parce qu'elle était vue avec les yeux de l'enfance... C'était le temps des cavernes, des mammouths et des loups... C'était le temps des forêts et des steppes avant qu'aucune empreinte ne les signe... C'était le temps d'avant...

Aujourd'hui, je me contente de la Pie-grièche grise surprise au détour du chemin ; elle ne m'attend pas, prend ses distances d'un vol onduleux jusqu' au sommet d'un jeune pommier où elle reprend sa faction solitaire.
Sturnus vulgaris : de lui, il faudrait parler au pluriel ; la troupe des Etourneaux avance en même temps que moi, dans une sorte de roulement continu, entre labours et haies. Le passage d'un Autour des palombes, surgi d'on ne sait où, renforce la cohésion de la horde; une volée s'élève, s'abaisse, tourne, change de forme... Le rapace n'ose se jeter dans la multitude. Peut-être se spécialisera-t-il plutôt dans l'enlèvement des volailles autour des deux ou trois dernières fermes du village...Mais il chassera seul.

Parcelle 114 du Sonnenglüetzweg, le chemin du soleil ardent, littéralement, car exposé sur toute sa longueur aux rayons de l'astre du jour. Ce qui fait que nombre d'insectes trouvent là, à la "belle saison", un lieu privilégié de vie. C'est par ici que sur deux vieux pommiers, nous avons installé, il y a un mois environ,des nichoirs à Chevêches ; une population s'est régénérée du côté du Kaiserstuhl, en Allemagne toute proche, et dans le pays de Bade, en Suisse. Action tri-nationale ! Nous espérons qu'à partir de ces noyaux de population, quelques individus trouveront la quiétude, le gîte et le couvert dans nos vergers alsaciens... J'aime cette idée de coopération entre trois pays pour le bien d'un oiseau-symbole ! Et cela semble fonctionner : depuis une dizaine d'années, douze couples hantent à nouveaux nos campagnes, c'est bien peu, je sais, mais nous savons être patients, par ici....

Il neige toujours. Je me sens neuf, propre, affamé de flocons. J'avance en silence, comme on marche entre les flocons pour éviter de les abîmer. Sur le pré qui me fait à présent face, une silhouette engoncée figée par le froid, aussi morne et impassible que les piquets qui longent la pâture. A l'approche de l'homme, elle déploie ses larges ailes grises et noires, s'éloigne vers les étangs avec de lents battements paresseux et proteste aigrement contre l'importun. Je ne me lasse pas de l'ampleur majestueuse du Héron dans les airs, qui prête encore de la grandeur à nos paysages...

J'approche à présent de la forêt - j'imagine les passereaux heureux de me voir, se réjouir de la manne - et je lis sur le sol les passages d'un chevreuil, la course d'un lièvre, les empreintes du renard qui semblent n'avoir aucun but précis . Plus sveltes que l'espèce commune, une vingtaine de Pinsons du Nord cherchent des faînes . Ils semblent moins nombreux que d'autres années, la fructification des hêtres a été peut-être médiocre en mai dernier... Le besoin instinctif de compagnie, qui est souvent une sauvegarde, s'adresse aussi aux Mésanges bleues et charbonnières, Moineaux friquets et Bruants jaunes qui les accompagnent.
A l'approche de la mangeoire, les premiers à se manifester sont les Geais - bien sûr, les "gardiens de la forêt" - et les Merles...

Mésanges, Rouge-gorge, Sittelle, Pic épeiche, épeichette, Accenteurs mouchet s'éparpillent un peu, pas bien loin, et reviendront dès que j'aurai le dos tourné. Je dispose les graines, la graisse, je ne m'attarde pas. Personnellement, je n'apprécie pas qu'on me fasse languir, je repense à la tarte aux pommes de la tante Aline qu'on ne pouvait déguster qu'après avoir dûment embrassé ses vieilles joues râpeuses, ben oui, il fallait d'abord en passer par là, la vie c'est comme ça, les épreuves d'abord, le plaisir ensuite. Je n'infligerai donc pas plus longtemps ma silhouette repoussante, épouvantail vivant (aux yeux d'un oiseau, attention, là !), à mes protégés.

Sur le retour, la neige ne tombe plus, quelques flocons éparpillés, puis plus rien. Le ciel est encore bien sombre, mais un rai de soleil perce. Tout s'est effacé sous la dictée du ciel et dans une lente métamorphose du paysage et du regard, je fais ma propre trace.

 

Contribution de Yves Gross, "En voiture ou à pied ?", 19 Jan 2003

Il faut bien en convenir : l'un des petits drames de notre civilisation, c'est que la roue et le pied ont des exigences incompatibles. L'autre week-end, il s'agissait de comptabiliser les oies grises pâturant en Plaine d'Alsace... Nous en vîmes bien 19, des moissons, après quelques haltes, en voiture, le long du ruban parfaitement lisse et imperméable de l'asphalte, qui faisait glisser l'oeil, déraper le regard, le projettant vers le lointain, vers l'horizon. Champs de maïs retournés, à perte de vue, parcourus de "voies de communications" : la roue veut la planitude et l'adhérence d'une piste caoutchoutée. Ce jour là, soufflait un vent rigoriste, et le discours qu'il nous tenait aux oreilles n'avait rien de permissif. Dans la grande plaine, quelques chevreuils, une troupe frigorifiée d'Alouettes des champs, l'une ou l'autre Buse, et puis... ce vol d'Oies... Tout autour, les arbres et les maisons, sapés dans leurs assises par la route-anguille, paraissent vaciller comme au bord d'un toboggan.

Si la roue préfère la planitude, elle déteste enfoncer, cahoter et surtout déraper. Hier donc, il faisait 15 ° C de plus que le week-end dernier ; mes pieds se sont plutôt accomodés d'un parcours le long de l'Ill, entre Réguisheim et Ensisheim, avec comme prétexte de déterminer le nombre de Grands Cormorans qui pourraient trouver là, au confluent de la Thur, un paisible dortoir. Ce qu'ils aiment, mes pieds, c'est de faire crisser un sol légèrement sablonneux, s'y enfoncer un peu - pas trop - comme sur une moquette. Ils ne veulent pas rebondir durement sur une surface incompressible ; un peu de boue, lorsque s'amorce le dégel, fait partie de la qualité de la vie ! Là, l'oeil se trouve retenu, regard arrêté, parce que la terre et le limon, perméables, nous mettent en relation avec les profondeurs souterraines... Ill...

D'après les auteurs anciens, l'Alsace est le pays de l'Ill (Illsass) : c'est dire l'importance de la rivière pour la province. Et pour ses hôtes : ce soir là, 9 Grands Cormorans donc, robustes gaillards, 2 Grandes Aigrettes (elles semblent se trouver bien en Alsace, même en plein hiver !), quelques troupes de Sarcelles d'hiver, une bonne cinquantaine réunies; d'un brusque essor vertical, elles impressionnent par la précision et la facilité de leurs évolutions - légèreté de leurs petits corps fuselés, lancés à toute vitesse... Quelques "becs-en-scie" suivent le cours de la rivière, vers le Nord-Ouest ; c'est l'heure pour les Harles bièvre de chercher refuge pour la nuit.

Auparavant, un peu avant que le crépuscule n'éteigne les couleurs, en guet sur un aulne bordant l'onde, un Faucon pèlerin, juvénile - on aurait pu le confondre avec le Hobereau - digère ou attend... Cette impression de force concentrée qu'il dégage...même presque immobile sur son perchoir...

L'heure des canards est venue : des murmures d'ailes frissonnent dans le soir - ombres rapides qui rayent la lueur de la pleine lune, orange, montante... Le froissement des ailes se perd, puis grandit de nouveau.. Musique de grelots d'argent : "krruc...krruc" : les mâles de Sarcelles paraderaient-ils déjà ? Et puis, enfin, le calme apaise les craintes, la pénombre s'anime de clapotis, de cancanements étouffés, et de dernières silhouettes indécises. Invisibles, d'autres ailes passent en sifflant, d'autres Canards probablement s'abattent sur la rivière, et brusquement, la nuit tombe.

 

Contribution de Yves Gross, "Il y a ...", 28 Dec 2002

Il y a des paysages qu'on ne découvre que par mauvais temps ; c'est convaincu de cette idée que j'arpentais malgré la pluie ces collines sudgauviennes dont je connais pourtant bien les haies vives, les prairies de fauches, les quelques ares de vignoble, les vergers surtout... Je suis allé voir. Visiter. On ne va pas voir tous les jours. "Voir" est une activité qui a sa place. On ne va pas assez dans les champs ou les forêts "juste", "rien que", pour voir.

Cette mésange bleue, hardie, ou en état de confiance ("devoir de l'imprévoyance"?) m'évoque toutes les autres fois où je l'ai déjà vue et j'en éprouve une délicieuse sensation de continuité.

D'entendre l' éclat de rire saccadé du Pic vert me fait penser immédiatement à ses couleurs ; l'audition conduit au non-vu. Aucun face-à-face, et cependant, grâce à l'ouïe, jaillit une intuition fulgurante de la vision future ! Musique et couleurs sont intimement liées et ce n'est que plus loin que je l'aperçois, le campagnard solitaire et robuste qui hante ces vergers. Il vit pour son compte, en ce moment, et parcourt sans hâte son territoire.

"Son" territoire ? Dans mon village, il y a encore, dit-on, quatre vieux qui connaissent le ban communal. Quand on veut vendre ou acheter un terrain, c'est eux qu'on vient consulter d'abord, avant d'aller au cadastre. Ils ont l'oeil, ils sont les derniers à avoir dans l'oeil l'alignement des parcelles, l'ordre des haies, la géométrie du vignoble ou de ce qu'il en reste, de la ceinture de vergers derrière les dernières maisons. Ils reconnaissent de mémoire et à quelques signes, présence dans un angle d'un arbre maintenant à moitié sec, ligne de végétation moins dense, les frontières invisibles des parcelles, s'Gscheid comme ils disent encore dans leur vieille langue paysanne.

Justement, l'un d'eux est là. Il étudie sa géographie et observe une rangée de vieux pommiers. Je le salue. Il me connaît et considère avec bienveillance l'instituteur , le "Meister" qui, on le sait, essaie de partager sa passion de la nature avec ses élèves - pour lui, ses petits-enfants - ce qui ne fait de mal à personne et puis c'est vrai, c'est important de transmettre, etc......Je tombe bien : il compte justement raser ces cinq pommiers, là, parce que les branches mortes risqueraient de tomber sur le chemin communal, et ça ne ferait pas propre . Sa petite-fille, Marion, qui est au CP, lui a bien parlé de Chouettes chevêches, de Torcol, de Pic vert, mais bon, de toute façon, les pommes, personne ne les cueille ou ne les ramasse plus, alors...

Cet homme s'appelle Bannwarth ; en alsacien , le "ban" communal se traduirait par "dr Baan" et celui qui veille sur le "baan", c'est le Bannwarth. Il y a beaucoup de Bannwarth en Alsace. Je lui dis qu'il faut donc qu'il continue à veiller sur ce "baan", qu'il doit être fier de sa connaissance des lieux, que sa connaissance, je le sais bien, ce n'est pas de la science apprise sur le papier, c'est une vie bien remplie, une vie de travail, d'ordre, d'obéissance et de fidélité ici. Oui, bien sûr. Ceux qui sont partis, ceux qui n'ont pas eu la force ou l'humilité nécessaire pour vivre "comme on doit vivre ici", comme il était écrit ici qu'il fallait vivre, comme on avait toujours vécu, banalement, c'est-à-dire à l'intérieur du ban, comme la nature où l'on était l'exigeait, rien de plus, ceux-là ne savent pas.

Je lui dis que ce n'est pas seulement sa propre vie qui fait de l'arbre un prodige de la nature, mais aussi le faisceau de toutes celles qu'il porte ou favorise d'innombrables manières, au-delà même de sa propre mort. Qu'on en sait trop peu sur la vie pour la retirer avec cette légèreté. Et je lui reparle du "Grianspacht", de l'oiseau entendu tout-à-l'heure, et de son existence qui est un mystère aussi grand que celui de l'homme.

Alors, pour avoir un peu parlé, et pour Marion, Mr Bannwarth a renoncé à couper ses vieux pommiers. Je l'ai aidé à tailler un peu ce qui risquait de tomber sur le chemin communal. Il y a des gestes qui suffisent pour se sentir propre.

 

contribution de daniel.ventard, daniel.ventard@libertysurf.fr, "Re: renseignements sur la cigogne blanche", 6 Jan 2001

Les cigognes de MUNSTER sont encabanées à TURCKHEIM pendant un hiver ou deux, nourries de poussins congelés.C'est du moins ce que j'ai vu quand je leur ai rendu visite.
Après ce purgatoire, on leur rend la liberté et elles se sédentarisent sur la ville et les environs de Munster.
Se renseigner plus avant, probablement auprès de la Municipalité de l'une des deux localités.

 

contribution de Françoise Coune, francoise.coune@orni.to, "Qqs obs en Alsace", 20 Aug 2000

Voici les quelques observations effectuées aujourd'hui, sur le plan de Krafft/Plobsheim en compagnie de Thierry Besançon :

 

contribution de Valerie Gegout, V.Gegout@ibmc.u-strasbg.fr, "Re: pelerin de Strasbourg, suite et fin", 27 Jun 2000

pensez-vous vraiment que l'état sanitaire des pigeons strasbourgeois soit à l'origine de la mort du fauconneau ?

Lu dans les Dernieres Nouvelles d'Alsace du 25 juin :
"sur les deux jeunes ayant pris leur envol depuis la tour de chimie de Strasbourg, un seul est encore vivant, l'autre ayant succombe a une parasitose transmise par les pigeons"
(je pense que c'est une info qui a ete transmise par la LPO mais j'ignore si une autopsie a ete realisee.)
En tous cas, toujours suivant cet article, le faucon pelerin etait absent depuis 1949 et revient sur Strasbourg, probablement parceque ce faucon etant en expansion en Alsace, la plupart des sites interessants (vieilles carrieres, falaises, chateaux en ruine...) sont deja tous pris!!
Reste a savoir si le couple reviendra l'an prochain retenter sa chance a Strasbourg...

 

contribution de jean-luc saint-marc, jlsm_A_club-internet.fr, "Re: pelerin de Strasbourg, suite et fin", 26 Jun 2000

Triste nouvelle que ton info...
Chers colistiers, pensez-vous vraiment que l'état sanitaire des pigeons strasbourgeois soit à l'origine de la mort du fauconneau ?
Nos amis chercheurs ont-ils tenté l'autopsie ?

 

contribution de Valerie Gegout, V.Gegout@ibmc.u-strasbg.fr, "pelerin de Strasbourg, suite et fin", 22 Jun 2000

Une mauvaise nouvelle....
le jeune faucon pelerin a ete retrouve mort, probablement d'une intoxication.... Voila sans doute pourquoi les pelerins ne se trouvent pas trop en ville : les pigeons n'y sont pas particulierement sains sans doute.
Certaines personnes du campus auraient vu un deuxieme jeune, je ne sais pas ce qu'il en est... Peut etre aura t il eu plus de chance? Je n'ai pas vu les parents depuis hier et le ciel est bien triste sans leurs envols et sans leurs cris...
Valerie, Strasbourg

 

contribution de Valerie Gegout, V.Gegout@ibmc.u-strasbg.fr, "faucons pelerins de Strasbourg", 8 Jun 2000

voici la suite des evenements concernant le couple de pelerins qui ont pris possession de la tour de chimie de Strasbourg : un jeune au moins a pris son envol hier sous mes yeux fort emus. Je n'ai pas pu determiner si il y avait d'autres jeunes car le nid est invisible, on ne peut voir que les faucons perches au sommet sur le bord de la tour qui est tres haute (plus de 16 etages). ESperons que cette premiere reussite pourra etre reiteree l'an prochain (ce n'est pas trop l'avis des chercheurs des environs, qui se plaignent de leurs cris.... pour ma part, j'apprecie plutot bien sur!).

 

contribution de Valerie Gegout, V.Gegout@ibmc.u-strasbg.fr, "faucon pelerin", 24 May 2000

je travaille sur la campus de Strasbourg et je me regale depuis quelques jours a regarder les evolutions d'un couple de faucons pelerins....
Ils ont elu domicile en haut de la plus haute tour de Strasbourg (mise a part la cathedrale). POur l'instant, pas d'indices frappants en faveur d'un nid. Ils passent leur temps soit a voler, soit perche en hauteur. Je ne les ai vu rapporter aucune proie sur la tour.
Je vous tiens au courant de la suite, si suite il y a!

 

contribution de Francoise Coune, francoise.coune@wanadoo.fr, " Tempete et oiseaux", 20 Feb 2000

Je viens de mettre à jour le site de la LPO Alsace. La rubrique Actualités a été mise à jour avec l'ajout d'une sous-rubrique consacrée à la tempête et à son impact sur les oiseaux.

La LPO Alsace lance un appel à observateurs afin de constituer un dossier sur l¹impact de la tempête sur les oiseaux forestiers.
Toutes les personnes effectuant des études ou des observations précises sur l¹avifaune forestière sont priées de contacter Yves Muller.
y.muller@ac-nancy-metz.fr
Des comparaisons entre les peuplements aviens nicheurs en 1999 et en 2000 dans les zones sinistrées seront fort utiles. Le dossier ainsi élaboré devra permettre de réfléchir à des propositions de gestions forestières intégrant la diversité avifaunistique.

Attention, notez bien la nouvelle adresse du site de la LPO Alsace :
http://www.orni.to

 

contribution de Francoise Coune, francoise.coune@wanadoo.fr, "LPO Alsace - Chouette effraie - BDD", 16 Dec 1999

Vous trouverez sur le site de la LPO Alsace, un article concernant la pose de nichoir à Chouette effraie (Tyto alba) dans le Ried de la Bruche (rubrique Activités).

Néanmoins en raison des difficultés de connection chez Wanadoo, je vous conseille plutôt d'utiliser l'adresse :
http://195.101.128.70/lpoalsace/index.htm, si vous désirez vous connecter au site de la LPO Alsace assez rapidement.

De plus, j'attends toujours vos réactions à propos de la base de données des observations en Alsace (rubrique Observations).
Merci d'avance à tous ceux qui me fourniront leur critique.

 

contribution de "sylvie-z" <sylvie-z@worldnet.fr>, "obs du week end", 8 février 1999

Voici les observations les plus intéressantes lors d'un week end commencé en Alsace puis terminé au lac du Der .

Observateurs : David Laloi , Julien Birard , Maxime Zucca

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