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La nomenclature des ornithologues

LA CAMPAGNE

contribution de Emmanuel Chabot <echabot@worldnet.fr>, "Miroiseurs ?...", 17 septembre 1998

Je viens de découvrir le débat passionné qui a animé la communauté, de décembre à février derniers, à propos de la "nomenclature des ornithologues".

Miroiseur est sans aucun doute un très joli mot, à connotation rétro sinon médiévale, mais on peut douter qu'il s'impose jamais dans le langage courant, autrement que comme "clin d'oeil" entre membres complices d'un petit cercle.

Miroiseur est un peu trop long pour un mot qui reste, malgré tout, imprécis, équivoque. Son style sonne un peu pédant et manque de dynamisme (surtout la terminaison). Tout en appréciant la débauche d'arguments déployés lors de cette campagne épique, je crains que le néologisme s'avère mort-né et ne demeure qu'un "gag" pour initiés.

Ma proposition, tardive et gratuite, s'appuie sur un constat :

Donc, ma proposition se refuse à inclure un verbe - du type mirer, spotter, specter, scoper, mater, voire zyeuter. Tous ces exemples se réfèrent au fait de regarder activement (voire frénétiquement).

Ils ne font qu'alimenter l'image folklorique, réductrice (et facilement péjorative) des obseurs alignés en rang d'oignons au bord d'une route, béats, toutes lunettes braquées sur un point qu'on devine lointain et menu. Je remarque au passage que beaucoup d'ornithos sont de grands bigleux, souvent porteurs de trois lunettes (dont une paire sur le nez) - et donc pas de méga-zyeuteurs par essence.

D'où un manque de précision et de pertinence fondamentales dans la définition qui nous préoccupe. En fait, chaque ornitho a un vécu, une pratique (de terrain, de bureau, de réunion) bien à lui, tout en mettant en oeuvre dans son hobby plusieurs sens et plusieurs aptitudes.

J'en arrive à ma proposition :

PREFIXE : laissons "ornitho" à la science pure - gardons le terme lui-même comme abréviation familière et de sens large ; "oise-" aux êtres vivants du quotidien, d'extérieur ou de volière. Gardons "AVI-" (le latin pour l'amateur, le grec pour le professionnel), qui désigne un sujet global, un ensemble, un petit monde.

SUFFIXE : "-ISTE" désigne celui qui pratique, ou qui aime, ou qui adhère à ce petit monde. Il englobe les fonctions actives (regarder, écouter, rechercher) autant que les passives (voir, entendre, réagir à une info saisie au vol).

Je propose donc :

AVISTE
~~~~~~

Exemples :

 

Aviste fonctionne au masculin comme au féminin. Le mot est court, suffisamment précis, il sonne bien et ne ressemble à aucun autre. Il peut traduire "birder" sans la connotation péjorative et en l'adaptant à l'esprit français.

 

VERBE :

AVIER
~~~~~

Exemples :

 

Ce verbe sera sans doute surtout utilisé aux modes infinitif (ou participes) et intransitif. Il couvre de nombreuses actions désignées par des verbes précis : prospecter, obs(erv)er, recenser, compter, repasser, pointer, cocher, admirer, etc...

 

SUBSTANTIF (générique) :

AVISME
~~~~~~

Exemples :

 

ADJECTIF:

AVISTIQUE
~~~~~~~~~

Exemples :

 

2e SUBSTANTIF (pratique) :

AVIAGE ("birding")
~~~~~~

Exemples :

 

REMARQUES

* Le préfixe est également utilisable pour franciser des anglicismes bien connus, en conservant le radical évocateur (souvent d'origine latine), mais en remplaçant "bird" par "avis" ou "avi" :

=> Avistour, Avistrip, Avireport, Avispot, Avinews...

D'ailleurs, "Avifaune" a ouvert la série depuis longtemps et s'est largement imposé. Il désigne les oiseaux sauvages, d'une région donnée - ceux-là précisément auxquels s'intéresse l'aviste.

* Contrairement au proseur ou au miroiseur, on ne peut pas être aviste sans le savoir. Le cycliste, le bouliste, l'helléniste, l'alpiniste, le pianiste ou le catéchiste évoluent dans un monde parfaitement identifié, multiforme mais aux contours précis.

 

TERMES ANNEXES

J'aime bien aussi "Piafologue", qui peut faire office de version argotique et explicite d'aviste (comme "bobologue" pour toubib), mais doit être réservé au langage parlé ou truculent. Ou bien s'appliquer particulièrement aux amateurs qui passent beaucoup de temps à réaliser des études très spécifiques ou ont soif de connaissances sur les oiseaux du terrain.

Enfin, à côté du générique "Ornitho", je militerais aussi pour la reconnaissance du terme "Obseur" (auquel s'appliquent les remarques sur la terminaison en "-eur"), désignant l'aviste assidu sur le terrain, moissonneur inlassable et discret de données de base.

 

réponse de "Alain FOSSE" <AlFosse@chu-angers.fr>, "Re: Re : seawatchers a Dunkerque", 28 juillet 1998

Ou "marinoiseur", "maroiseur", "oisod'meroiseur" ?

 

contribution de Dominique Py <Dominique.Py@irisa.fr>, "Re : seawatchers a Dunkerque", 28 juillet 1998

Le débat brûlant du mois de juillet :

Peut-on envisager de traduire "seawatcher" par "meroiseur" ?

 

contribution d' Alain FOSSE <AlFosse@chu-angers.fr>, "nomenclature ornithologues", 22 juillet 1998

Chers Miroiseurs, Chères Miroiseuses,

Nouvel arrivant sur la liste, je viens de prendre connaissance des archives sur la nomenclature des ornithologues.

Pour compléter ce débat, je souhaiterais citer un passage des "feuillets naturalistes" du Conservatoire et étude des écosystèmes de Provence (1992, 33 : 12) intitulé "ornitholinguistique" et écrit par Thierry Bara :

Il y a quelque temps, on pouvait lire dans l'Oiseau magazine certaines élucubrations sur la traduction française de "birdwatcher".

Les psychopathes que nous sommes n'étant sans doute pas un produit exclusif de l'époque moderne, le problème de notre dénomination s'est déjà posé par le passé.

J'ai donc consulté un dictionnaire de langue ancienne, en l'occurrence le dictionnaire Bailly de grec et vous allez pouvoir constater que le vocabulaire antique était déjà riche pour désigner les personnes qui s'intéressent aux oiseaux :

 

On peut faire deux remarques sur cette liste. La première, c'est que l'oiseau était surtout considéré comme un produit alimentaire (qu'on capture ou qu'on élève). La seconde, c'est qu'il existait déjà un terme pour nous désigner et qui peut s'adapter en français par ornithomane, passionné par les oiseaux.

De même que les mélomanes sont passionnés de musique, les pyromanes par le feu et les nymphomanes par les libellules (ou les nénuphars; je ne sais plus.)."

Thierry Bara ne propose donc pas de traduction littérale pour "birdwatcher" mais nous propose un terme - ornithomane - dans lequel je me reconnais bien.

Pour revenir à la traduction, pourquoi ne pas dire tout simplement "avieur, -euse" , ou plus délirant, "obsavieur, aviespion, avibigleur, avioculorinceur, avimateur, avispectateur, aviscrutateur, aviguetteur..." (j'ai délibérément exclue la racine "ornithos" trop longue).

Pour "twitcher", et à la place de "cocheur", on pourrait dire "avicoureur, avipisteur, aviprospecteur, aviquÍteur, avicollecteur ou -collectionneur"...

Avi... à la population...

 

contribution de Rio <yvon.rio@wanadoo.fr>, " Re: Mirois(el)eur ... oiseur", 9 janvier 1998

J'aime beaucoup cette proposition.

Premièrement cela évite de fabriquer un mot complètement nouveau quand il existe déjà une bonne racine.

Deuxièmement ça témoigne de la part de son auteur d'une certaine culture; c'est une proposition que j'aurais aimé trouver moi-même.

On pourrait peut-être faire plus concis, par une contraction telle que les langues ont su en créer au cours des siècles:

Plutot que "auspecteur" on pourrait envisager "ausviseur" contracté en "aûviseur" ou "auviseur" et pourquoi pas en "aviseur" (7 lettres contre 9 pour miroiseur)... pourquoi pas, même, "oiseur" après tout (2 syllabes, 6 lettres)?

Il faudrait garder "auspice" pour désigner une observation, par référence à l'étymologie, plutôt que pour désigner l'activité de "birdwatching" en général, qui pourrait être nommée avision.

 

contribution d'Étienne Bertouille <Etienne.Bertouille@izea.unil.ch>, "Re: Mirois(el)eur", 5 janvier 1998

A propos du nom français du birdwatching, n'oublions pas qu'il existe déjàun terme d'origine latine qui désigne cette activité. Il s'agit de l'auspice (de avis = oiseau et spicere = inspecter) qui dans l'antiquité, avait plutôt un but divinatoire. Le sens de ce joli mot a évolué depuis, mais on pourrait le remettre au goût du jour, non ? Et nous, nous serions des auspecteurs...

Bonne année à tous.

 

contribution de gabriel.hiriart@wanadoo.fr, "aviouatcheur", 1 janvier 1998

ma proposition:

j'en profite pour vous présenter mes meilleurs voeux (en basque); "urte berri on eta zorionak".

 

réponse de Philippe Schepens <Philippe.Schepens@ping.be>, "Re: nomenclature des miroiseurs :-)", 31 décembre 1997

>> La campagne n'est pas encore ouverte, continuez à envoyer vos propositions...

On peut aussi imaginer:

 

réponse de Dominique Py <Dominique.Py@irisa.fr>, "Re: nomenclature des miroiseurs :-)", 30 décembre 1997

> La campagne n'est pas encore ouverte, continuez à envoyer vos propositions...

Il me semble que la LPO avait lancé un concours de ce genre, autour de "birdwatching", il y a quelques années ....

Je me souviens de deux propositions en particulier :

 

contribution de Gilles Vannier <vannier@apro.fr>, "nomenclature des miroiseurs :-)", 24 décembre 1997

J'ai l'intention d'organiser un vote en janvier pour choisir la proposition la plus séduisante (qu'elle soit retenue ou non par l'usage, c'est une autre histoire...).

N'hésitez pas si vous avez d'autres propositions...

Ensuite nous ouvrirons une courte campagne électorale début janvier, pour déterminer les propositions à soumettre au vote

Puis vote.

La campagne n'est pas encore ouverte, continuez à envoyer vos propositions...

 

réponse de Dominique Domken <domken@pbio.ucl.ac.be>, 23 décembre 1997

Rendons à César ce qui est à césar...

Gilles Vannier écrivait (Wed, 24 Dec 1997 10:58:52):

"Parmi les propositions plus débiles, ... je propose ornithoscopeur, l'ornithoscopeur se livrant à l'ornithoscopage"

Or, Michel Bertrand a déjà fait cette proposition, sur AVIMONDE (bertrand@ireq-sat.hydro.qc.ca , Thu, 18 Dec 1997 17:46:44 -0500). Je cite:

"Je n'ai pas vraiment voulu proposer des termes comme "aviwatcheur" et "aviwatchage", sinon sur un mode humoristique. Mon propos était surtout de réagir à la publication du nouveau Bescherelle, avec une élégance littéraire exagérée, en me permettant un peu d'ironie. C'est pour railler un peu le Bescherelle que j'ai suggéré l'introduction de néologismes dans le Robert et le Larousse. Je me suis amusé, en même temps, à faire converger mon propos principal avec l'ornithoscopie (un mot barbare mais qui serait bien formé puisqu'il réunit deux racines grecques)."

Personellement, j'aime assez cette proposition, ornithoscopie, ornithoscopeur...

 

réponse de Gilles Vannier <vannier@apro.fr>, "Mirois(el)eur", 23 décembre 1997

La proposition de Sylvain Henaff <henaff@tonton.univ-angers.fr> est la première sérieuse, utilisant 2 mots de la langue française, mirer pour regarder (ça c'est génial), et oiseau. Mais j'ai envie de broder autour de cette proposition:

Parmi les propositions plus débiles, puisque personne n'a voulu faire un équivalent en éthymologie grecque d'avispecteur (du latin avis, oiseau et specto, je regarde), je propose ornithoscopeur, l'ornithoscopeur se livrant à l'ornithoscopage (activité souvent pratiquée à l'aide d'un télé...).

 

réponse de Sylvain Henaff <henaff@tonton.univ-angers.fr>, 23 décembre 1997

Observateur d'oiseaux depuis plus de 20 ans, je me suis vite aperçu qu'il est plus aisé de trouver des critères de différenciation des goëlands immatures que de dénommer de façon concise et naturelle la passion qui nous anime.

Après avoir mûrement réfléchi je fais les propositions suivantes:

Qu'en pensez-vous ?

 

réponse de Gilles Vannier <vannier@apro.fr>, 21 décembre 1997

Chers Ornithos

Bien sûr, franciser phonétiquement un terme anglo-saxon (et non pas saxon, en saxon "birdwatcher" peut être traduit par "Vogelbeobachter") est au mieux une absurdité, au pire du colonialisme culturel.

Nous aurions donc besoin d'un terme plus conforme au génie (s'il en reste) de notre langue. Je fais donc à appel à proposition, et pour décomplexer les participants à la liste, n'hésite pas à soumettre mes propres élucubrations:

Je pense que certains d'entre vous pourront faire mieux, à condition de ne pas proposer VW ® (pour Vogelwatcher)...

 

réponse d' Etienne Bertouille <Etienne.Bertouille@izea.unil.ch>, 19 décembre 1997

>Que diriez-vous d'aviwatchage, d'aviwatcheur ou d'aviwatcheux ?

Voilà qui ferait plaisir à Toubon.

Avant la sortie des nouveaux dictionnaires (sur cédérom) je propose par ce mél de prendre les devants: le terme de beurdouatcheur sera désormais le terme officiel, bien français, contre l'invasion culturelle des hordes saxonnes.

Bon ouiquende à tous, touitchez bien.

 

contribution de Michel Bertrand <bertrand@ireq-sat.hydro.qc.ca>, 18 décembre 1997

Quelqu'un m'a proposé, en privé, "avihorlogeur" plutôt que "aviwatcheur"...

Je lui ai répondu que ce serait un helvétisme. ;-)

 

contribution de Michel Bertrand <bertrand@ireq-sat.hydro.qc.ca>, "Aviwatcher", 18 décembre 1997

Fut-il possible que nous ne watchassions point la faune aviaire ou que nous ne couraillassions point encore les raretés ailées à l'époque où une Grive litorne vint séjourner à Rigaud ?

Les virtuoses de la concordance des temps peuvent maintenant employer de tels verbes avec l'aval du Bescherelle. Ils trouveront même, dans la nouvelle édition de cet ouvrage de référence, un outil pour les aider à conjuguer des verbes qui, s'ils étaient doués de conscience, seraient bien étonnés de pouvoir revêtir tant de formes savantes.

La nouvelle édition du Bescherelle est une édition élargie.

L'éditeur a voulu y inclure les régionalismes de la francophonie. Il semble cependant qu'il n'ait pas su établir une discrimination heureuse entre les barbarismes, les anachronismes et les québécismes.

Il nous reste à nous demander si ses choix ont été plus judicieux pour ce qui concerne les belgicismes, les helvétismes et les africanismes. Cela nous laissera le temps d'attendre l'édition de 1999.

Dans la même veine, ne pourrions-nous pas implorer les auteurs du Robert et du Larousse d'y aller de néologismes, dans les prochains tirages de leurs dictionnaires, pour enfin combler les lacunes lexicographiques qui nous laissent aphones face aux vocables anglo-saxons tels que « birdwatching » et « birdwatcher » ?

Que diriez-vous d'aviwatchage, d'aviwatcheur ou d'aviwatcheux ?

Heureusement, c'est le bon sens des usagers qui fait la langue !

Fut-il possible, futile Bescherelle, que vous eussiez un peu de rigueur ?

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